vendredi 17 juin 2011

La réforme de la garde à vue


La loi du 14 avril 2011 met en place la réforme de la garde à vue en droit français. 
Les changements majeurs portent sans aucun doute sur le rôle de l'avocat tout au long de la garde à vue, ou encore sur des conditions différentes, notamment en ce qui concerne l'ouverture d'une telle mesure. 

Statistiquement, la garde à vue n'a cessé de prendre de l'importance. En 2009, le chiffre est d'environ 580 000, sans les délits routiers. Aujourd'hui, le chiffre avoisine les 800 000 ! 
C'est fin 2008 que le droit français de la garde à vue a été fragilisé, suite à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Elle est en effet venue poser les grands principes dont peut se prévaloir toute personne placée en garde à vue, et il s'est avéré que le droit français ne les respectait pas tous. La Cour de cassation a également joué un rôle en déclarant notamment certaines dispositions contraires à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. 

Quels sont les éléments principaux de la loi du 14 avril 2011 ? 

     1. Les règles encadrant le placement en garde à vue : trois conditions sont requises pour pouvoir placer une personne en garde à vue : il faut des indices de la commission d'une infraction, présentant une certaine gravité, et la caractérisation d'un objectif précis


Les deux dernières conditions sont en quelque sorte des nouveautés, même si concrètement dans les faits, leur application ne change pas vraiment la donne. Le fait que l'infraction doive présenter une certaine gravité et être passible d'une peine privative de liberté existait déjà avant la loi de 2011. Il s'agit en fait d'une aplication des principes de nécessité et de proportionnalité. Pour ce qui est de la caractérisation d'objectifs précis, que la loi énonce au nombre de six, là encore, il ne s'agit en fait que d'une reprise de tous les cas qui existaient déjà auparavant. 

On constate ici une suppression de toute référence générale. Cela signifie que la garde à vue est sensée avoir un caractère exceptionnel et subsidiaire. 

     2. Les mesures encadrant la durée de la garde à vue : les dipsositions légales concernant cette question ont a priori peu évolué et l'on retrouve toujours le fameux délai de 24 heures. Cependant, il faut noter que la loi opère une distinction entre les infractions punies de moins d'un an d'emprisonnement et pour lesquelles la prolongation n'est pas possible et la garde à vue durera donc 24 heures maximum, et les infractions punies d'une peine de plus d'un an et pour lesquelles une prolongation est possible si elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs énoncés par la loi nouvelle

Une "exception" persiste en matière de criminalité organisée, dans le cadre de laquelle deux prolongations sont possibles. 

     3. Les droits du gardé à vue : toute personne dispose du droit de se taire, du droit de ne pas s'incriminer personnellement. On remarque une évolution mouvementée de ce droit en France, qui avait même fait l'objet d'une suppression par la loi du 18 mars 2003. Il est désormais à nouveau consacré à l'article 63-1 3° du Code de procédure pénale. 

Le droit à l'assistance d'un avocat : avant la loi du 14 avril 2011, l'intervention de l'avocat consistait en un entretien de 30 minutes, avant l'interrogatoire, et sans la présence des enquêteurs. Ce droit a été nettement renforcé. Dès le début de la garde à vue, toute personne peut demander à être assistée d'un avocat, qu'elle a pu choisir librement ou commis d'office. Cet avocat sera informé par l'OPJ des faits et de la nature de l'enquête. Il pourra également consulter certaines pièces du dossier, tels les procès-verbaux de l'audition de son client (mais pas ceux des tiers), ou les certificats médicaux, etc. Il pourra également prendre des notes desdites pièces, mais ne sera pas autorisé à en faire des copies. Il pourra aussi poser des questions pendant l'interrogatoire, sans pour autant nuire au bon déroulement de l'enquête. Ce droit n'est pas toujours absolu, et le Procureur pourra, lorsque l'enquête le requiert, autoriser l'audition immédiate de la personne, sans la présence de son avocat. 
Il y a ici une véritable évolution du rôle de l'avocat, qui devient un acteur important de la procédure. 

Le gardé à vue peut également exiger de faire prévenir par téléphone une personne de son choix, telle son conjoint, ses parents, son tuteur/curateur, ... S'il s'agit d'une personne étrangère, elle peut prévenir les autorités consulaires de son pays. 

Le droit à la dignité est également consacré dans la loi : la garde à vue doit s'exécuter dans le respect de la dignité de la personne. Par exemple, concernant les objets (soutien-gorge, lacets, lunettes, ...) que l'on aura pu retirer à la personne, ceux-ci doivent lui être rendus lorsqu'elle est en présence de policiers. Certaines mesures de sécurité, justifiées pour la sécurité du prévenu ou des tiers, sont tout à fait autorisées. 


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